Depuis 3 ans, Agnès travaille la ficelle de lin en crochetant des pièces « élaborées en sourdine quelque part entre l’intentionnel et l’inconscient, au terme d’une genèse spontanée, sans l’aide d’aucun croquis ». Le tissu obtenu a quelque chose de minéral comme une peau tendue entre inerte et alerte. Rencontrée sur notre stand Radical Linen, lors du dernier Salon Maison & Objet, elle a répondu à nos questions et dévoilé son cheminement artistique tendu comme une ficelle de lin.
Parlons matière et technique
« J’utilise de la ficelle de grande distribution, que je crochète avec un crochet n°4 (parce que c’est celui qui m’est tombé sous la main le jour où j’ai commencé à crocheter).
La ficelle a la souplesse et la rigidité idéales pour faire naître un volume dans l’irrésolu, me permettant de jouer sur un fil entre l’équilibre des volumes et leur écrasement.
J’en accueille les variations de calibre, les grimaces dues au souvenir de l’enroulement de ses fils ».
Quelle technique utilisez-vous ?
« Je ne suis pas une technicienne du crochet ; la variété des points réalisables ne m’intéresse pas.
Ma technique est basique ; la maille doublée ou sautée m’ouvrant un champ des possibles suffisant pour m’exprimer. Je ne me réfère pas à l’ouvrage de dames (auquel je ne discute pas la noblesse) mais à la sculpture. Je crochète en ajoutant souvent la contrainte de réaliser mes pièces en 1 seul fil ininterrompu, à la manière d’un texte écrit sans lever jamais le stylo (pas de coupe du fil, ni d’ajout). La pièce obtenue est alors réversible : il suffit de tirer le fil pour retrouver une pelote de ficelle (composée des multiples pelotes mises bout à bout pendant le travail) ».
Certaines pièces introduisent de la couleur
« J’ai longtemps travaillé cette ficelle écrue en appréciant sa neutralité qui me permettait de me consacrer à l’exploration de formes qui se sont enrichies de pièce en pièce.
Puis j’ai ajouté un peu de couleur avec de la ficelle pour boucherie (toujours du lin), de la blanche, de la rouge. Il m’est arrivé de rehausser une pièce d’un fil acrylique orange.
Je commence aussi à gouacher partiellement certaines pièces ».
De la ficelle ou de vous même, qui mène la danse?
« Passée par le monde de la PAO où règne le paramétrage (j’ai été directrice artistique dans l’édition publicitaire), j’ai dû abdiquer une grande partie de ma volonté de contrôle pour laisser parler la ficelle. Le pixel a fait place à la maille et je leur ai trouvé une parenté.
Cependant, l’enroulement préexistant de la ficelle et le léger décalage des mailles rangée après rangée ne m’autoriseront jamais une prise de pouvoir sur la réalisation de mes pièces. Je m’en trouve perpétuellement dérangée et c’est un enrichissement.
Je dois partager mon dessein, accepter les grimaces de la ficelle crochetée, les écrasements provoqués par le poids de la réalisation (puisque je refuse apprêt et rembourrage), les à-peu-près. J’ai découvert le frémissement ».
++ Plus d’infos++
Naissance en 61 à Valence, Bac A7 Dessin Histoire de l’Art, Diplôme Universitaire d’études cinématographiques à Aix-en-Provence et Maîtrise de lettres modernes (sur le film « La nuit du chasseur ») puis Directrice Artistique dans l’édition publicitaire à Paris. Aujourd’hui inscrite à la Maison des Artistes (S656768) et adhérente aux Ateliers d’Art de France, sculpte en crochetant une peau mi-organique minérale entre deux vides.
Un travail émouvant et une artiste à découvrir sur son site
